jeudi 19 mars 2015

Extension du port de Fort-de-France: le projet actuel est illégal !

Bien que le projet d'extension du port ait été porté et instruit par la Direction de l'Environnement et de l'Aménagement et du Logement et que l'arrêté d'autorisation ait été rédigé par la Préfecture, force est de constater que ce projet est illégal !


Le projet actuel d'extension du port a été porté par la DEAL jusqu'au 1er janvier 2013, date de création du grand Port Maritime de la Martinique qui reprend le projet à cette date. Les travaux prévus comporte principalement les opérations suivantes:
1- le prélèvement des boues (env.400 000 m3) à l'endroit où les extensions sont prévues (= dragage)
2- la mise en casier de ces boues, pour une partie, afin de créer une mangrove artificielle
3- le rejet en mer pour l'autre partie (=clapage)
4- la destruction de 800 000 m3, soit 13 ha, des récifs coralliens de la baie de Fort-de-France (caye de la Grande Sèche)
5- le concassage et la mise en remblai de ces récifs coralliens

Voici les raisons pour lesquelles cet arrêté n'est pas conforme à la loi:

1. l'arrêté ne comporte pas l'autorisation d'extraction de matériaux en mer
L'extraction de matériaux dans les mers n'apparaît pas dans le tableau de l'arrêté d'autorisation (voir l'extrait de l'arrêté d'autorisation, ci-dessous).

Il semble que la DEAL et le GPMLM se soient livrées à un tour de passe-passe: ils ont inclus l'extraction de matériaux marins dans les opérations de dragage.
Ainsi, les 800 000 m3 de matériaux à prélever ont été ajoutés au volume de sédiments à draguer, ce qui porte à 1 200 000 m3 le volume de dragage au lieu d'environ 400 000 m3 .

Dans un arrêté conforme à la loi, l'extraction de matériaux aurait fait l'objet d'une rubrique distincte conformément à la nomenclature en vigueur : « 5. 1. 7. 0. Travaux de prospection, de recherche et d'exploitation de substances minérales ou fossiles non visées à l'article 2 du code minier et contenues dans les fonds marins du domaine public »
En ne procédant pas à une demande d'autorisation d'extraction de matériaux issus du milieu marin, ils échappent ainsi :
  • au regard d'une autorité extérieure à l'entre-soi Grand Port/ Préfecture, le Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies, organisme attaché au Ministère de l'Economie,
  • à la nécessité de la compatibilité avec le Schéma Départementales des Carrières qui ne recense aucune carrière dans les eaux martiniquaises,
  • à la nécessité de la délivrance d'un permis et d'une autorisation d'exploitation,
2. la capture de coraux est interdite à la Martinique
Parce qu'ils jouent un rôle primordial pour la protection du littoral (recul du trait de côte et inondation) et pour le renouvellement des stocks de pêche, la capture des coraux a été interdite dès 1978 par le Préfet de l'époque (voir ci dessous extrait de l'arrêté n°78/1530 AES/B2):

Il est donc interdit de capturer et donc de déplacer les coraux à la Martinique.
Pour obtenir une dérogation, il faut soumettre une demande au Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN). Cette demande doit être justifiée par motif suffisamment important pour être qualifié d'« enjeu public majeur ». Or, à notre connaissance, cette dérogation n'a pas été accordée.

3. l'intérêt économique de ce projet n'est pas prouvé, ce n'est pas un « projet d'intérêt général »
Ce projet porte une atteinte significative à l'environnement car il comporte des opérations de dragage, de clapage et de destruction corallienne.
Ceci dit, la loi sur l'eau peut autoriser un projet dégradant l'environnement, s'il remplit certaines conditions. En d'autres termes, si les bénéfices d'un projet sont jugés suffisamment importants (développement économique, enjeux sanitaires,...), la loi permet qu'il dégrade l'environnement. Ce type de projet est alors dit « Projet d'Intérêt Général » (PIG) et pour obtenir cette dénomination un dossier doit être constitué, puis validé par une déclaration d'intérêt général.
Bien que les autorités avancent automatiquement dans les média et les courriers adressés à l'ASSAUPAMAR, l'intérêt économique, voir socio-économique, du projet, ils n'en ont jamais fait la démonstration par la constitution d'un dossier PIG et ce, malgré les recommandations de l'Office De l'Eau (ODE). Dans son avis l'ODE qui est l'organisme chargé du suivi de l'eau et des milieux aquatiques a incité le grand Port à constituer un dossier PIG pour justifier les dégradations de l'environnement du projet.
Or, ni le grand Port, ni la DEAL qui a porté le projet au départ, n'ont constitué de dossier PIG.

4. le principe éviter, réduire, compenser n'est pas respecté
    - Eviter, Réduire, Compenser les impacts sur l'environnement-
Pour endommager le moins possible l'environnement, les porteurs de projets d'infrastructure doivent dans la conception de leur projet s'attacher à:
a- Eviter les impacts sur l’environnement, y compris au niveau des choix fondamentaux liés au projet (nature du projet, localisation, voire l'opportunité même du projet)
b- Réduire au maximum les impacts n'ayant pu être évités
c- Compenser, en dernier lieu, les impacts résiduels
Or dans ce projet la destruction corallienne n'a non seulement pas été évitée, mais elle a été choisie (des ports sont construits et étendus partout dans le monde, sans destruction corallienne) !
Quant aux compensations, affirmer que 13 ha, soit 130 000 m2, d'un habitat riche d'une biodiversité spécifique peuvent être remplacés par 1300 m2 de récifs artificiels (en béton) sur lesquels on aurait fixé quelques boutures de 5 à 10 cm de coraux est une blague de très mauvais goût.

5. les études préalables sont (volontairement ?) erronnées
Bien que les chercheurs de l'Université aient relevé une biodiversité riche et spécifique (plus 400 espèces, dont des espèces rares et/ou menacées, la présence du Mérou de Nassau) sur un site d'une grande beauté, l'étude présentée par la DEAL et le GPMLM décrit un milieu dégradé ne comportant qu'1% de récifs vivants. Ce qui explique, en partie, pourquoi la création de 1300 m2 (1% de 130 000 m2) de récifs artificiels est considérée comme une compensation suffisante de 130 000 m2 d'habitat d'espèces rares et spécifiques ! La biodiversité a été très largement sous-estimée dans l'étude de la DEAL.

Remarques
1- Il est curieux de constater autant d'irrégularités importantes au regard de la loi dans un projet:
  • constitué par la DEAL
  • instruit par la DEAL
  • dont l'autorisation est rédigée par la Préfecture

2- Dès lors qu'il s'agit de prouver l'intérêt économique du projet:
  • soit les autorités choisissent d'éviter à le faire (pas de constitution de dossier Projet d'Intérêt Général)
  • soit la demande s'appuyant sur ce motif n'obtient pas de réponse (le CNPN n'a jusqu'à maintenant pas délivré de dérogation reconnaissant l'enjeu public majeur).

N'oubliez pas de signer la pétition !

2 commentaires:

  1. Bien que tardivement, je pense que le moment est venu de se dresser collectivement face à ces fous qui prétendent diriger le monde, sans savoir le moins du monde ou se trouve le gouvernail du vaisseau "Terre" qu'ils n'ont de cesse de détruire à qui mieux-mieux dans la cupidité qui les anime... alors que celui-ci nous transporte pourtant tous dans cette immensité spatiale.

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