L'élargissement
du canal du Panama est perçu par les autorités de nos îles comme
une « opportunité économique majeure ». Les décideurs de Martinique et de Guadeloupe projettent donc d'étendre leur
port respectif en promettant aux populations emplois et baisse de prix. Les
acteurs du transport dans la Caraïbe ne partagent pas leur
optimisme...
La
mise en service des nouvelles écluses du canal de Panama permettra
le transit de porte-conteneurs de type Post-Panamax1 pouvant
transporter des volumes plus importants. Le trafic dans la Caraïbe
en sera certainement accru. Les autorités de Guadeloupe et Martinique espèrent
profiter de cette augmentation du volume de marchandises
transitant dans la Caraïbe pour augmenter l'activité de
transbordement et ainsi transformer leur port en hub. Elles
présentent ces projets comme pouvant contribuer à résorber deux
maux chroniques de nos îles: le chômage et la vie chère, par la création d'activité portuaire et la baisse des prix des denrées importées.
Ainsi, on
peut lire sur une page du site internet de la Région Martinique:
La position géographique de nos deux îles a aussi été présentée comme un avantage concurrentiel indéniable. Voici un extrait de la synthèse du débat publique sur le projet d'extension portuaire de la Guadeloupe:
Présentés de cette façon, ces projets ont tout pour plaire. Mais qu'en est-il
réellement? Caroline Marie, journaliste d'Outremer 1ère s'est
rendue au Panama pour interroger ceux qui sont au coeur du transport
maritime dans la Caraïbe. Ils sont journaliste, cadres
dirigeants, investisseur et disent ce qu'ils pensent des projets
d'extension de nos deux îles.
Voici
quelques extraits de leur interview (les interviews sont en fin
d'article):
Oscar
Bazan,
vice-président
du département de la planification et du développement commercial
de l'administration du canal de Panama et responsable de l'analyse et
de la projection du marché et du développement d'activités liées
à la nouvelle écluse.
« Avec l'agrandissement du canal, il va y avoir des bateaux
de plus grandes tailles qui vont transiter [dans
la Caraïbe], il existe quelques ports qui sont déjà
préparés pour cet agrandissement: Kingston en Jamaïque, Caucedo
dans la République Dominicaine et aussi Freeport dans les Bahamas,
essentiellement ces trois ports. »
« Dans
la Caraïbe, malheureusement, comme par exemple, Martinique et
Guadeloupe, ces îles n'ont pas la population suffisante
pour justifier un port ayant la capacité d'attirer directement les
grands bateaux. »
Michèle LABRUT, journaliste
spécialisée dans les questions maritimes, correspondante pour The
Economist, ABC
News, The
Times, Sea
Trade
ou Fairplay,
elle vit depuis
une trentaine d'années à Panama et connaît les projets
d'agrandissement du port de la Martinique et de la Guadeloupe.
«Je ne vois pas
de gros bateaux venir faire du transbordement en Martinique et
Guadeloupe, qui est quand même
très...très loin dans la ligne des îles des Antilles »
« Ça me
paraît difficile qu'il y ait des bateaux qui ne soient pas des
feeders qui viennent en Martinique-Guadeloupe, ça peut être un
hub de feeders, oui, mais définitivement pas un hub de Panamax et de
post Panamax. »
Carlos
Urriola, président du
Manzanillo International Terminal ou MIT (2000 000 EVP/an) longtemps
président de la Caribbean Shipping Association ou CSA (c'est lui qui
y a fait entrer la Martinique et la Guadeloupe), vice-président de
Carrix, une multinationale qui a investi dans le MIT, une dizaine de
ports en Amérique Latine et une cinquantaine aux Etats-Unis.
« vous
n'avez pas la localisation, vos coûts sont un peu haut, vous n'avez
pas les cargos, étant donné que vous avez une petite population.
Donc, comment justifier la construction d'un centre de transbordement
? »
Au
sujet des projets de hubs de transbordement sur chacune des îles:
« Selon
moi, deux c'est de la folie ! Ça n'a aucun sens ! Vous savez, vous
devez faire attention, car il y a plein de ports vides dans la région
! »
La carte, ci-dessous, présentent les principaux hubs de transbordement (données 2007), on peut y voir que nos îles ne se situent pas sur les grandes routes maritimes.
Pour
avoir une idée de l'activité portuaire liée au conteneurs sur les
îles de la Caraïbe, les données des 3 hubs les plus importants
(Freeport, Caucedo et Kingston), d'un hub secondaire (Port of Spain) et des ports de nos îles sont présentées dans ce tableau.
Chiffres 2012 de l'activité conteneurisée | Total en milliers d'EVP | Transbordement en milliers d'EVP | Pourcentage
dédié au transbordement |
Freeport (Bahamas) |
1202
|
>
1142
|
>
95%
|
Caucedo (Rép. Dominicaine) |
1154
|
n.c.
|
n.c.
|
Kingston (Jamaïque) |
1139
|
1002
|
88%
|
Port of Spain (Trinidad et Tobago) |
365
|
190
|
52%
|
Pointe-à-Pitre * |
211
|
80
|
38%
|
Fort-de-France |
144
|
15
|
10%
|
*
L'année 2012 fut exceptionnelle pour le Guadeloupe. Habituellement,
l'activité conteneurisée avoisine 180 000 EVP/an et celle liée au
transbordement est de 30 000 EVP/an.
Alors
qu'en pensez-vous ? Qui, selon vous, profitera de ces projets? La
population ? Les importateurs ? Les politiques ? Les compagnies
maritimes ? Les entreprises chargées de réaliser les travaux?
-
Pour écouter le reportage en entier :
http://www.la1ere.fr/emissions/longue-distance/actu/panama-des-illusions-antillaises.html
-
Voici
le lien vers un article doutant de la réussite de ces projets:
http://www.lantenne.com/L-elargissement-du-canal-de-Panama-mythe-ou-illusion-pour-les-Antilles_a8515.html
Les
interviews réalisés par Caroline Marie pour Outremer 1ère dans Panama: des illusions antillaises
À 5:30
Oscar
Bazan, vice-président du
département de la planification et du développement commercial de
l'administration du Canal de Panama et responsable de l'analyse et de
la projection du marché et du développement d'activités liées à
la nouvelle écluse.
OB - Avec
l'agrandissement du canal, il va y avoir des bateaux de plus grandes
tailles qui vont transiter [dans
la Caraïbe], il existe quelques ports qui sont déjà
préparés pour cet agrandissement: Kingston en Jamaïque, Caucedo
dans la République Dominicaine et aussi Freeport dans les Bahamas,
essentiellement ces trois ports. Cela signifie que des navires de
plus forts tirants d'eau, de plus grande taille transiteront par
Panama, vont décharger ici et peut-être aussi dans l'un de ces 3
ports.
CM - Est-ce
que vous pouvez nous parler des routes de l'est de la Caraïbe ?
OB - Tous les
services relatifs aux cargaisons de conteneurs ou quelque soit la
cargaison dépendent de la demande. Et beaucoup des îles qui sont
dans l'est de la Caraïbes sont des îles très petites, des
populations très petites. Le plus sûr pour toutes ces îles qui
sont à l'est de la Caraïbe, c'est d'utiliser l'un de ces trois
ports ou directement Panama[le
port de Colon au Panama]. Si la question est : est-ce que
c'est la peine d'améliorer ces ports pour une plus grande taille ?
La réponse est oui, mais un oui pour des bateaux moyens parce que
s'il y aura des bateaux de grande taille, il y aura surtout une
cascade de petits bateaux qui pourraient avoir besoin d'aller dans
ces ports.
CM- Est-ce que
vous êtes au courant qu'il y a des projets d'agrandissement des
ports de Martinique et de Guadeloupe ?
OB - Cela doit
faire trois ans que j'ai reçu la visite d'un responsable de la
Martinique et un de la Guadeloupe, je ne me souviens plus de qui. Ils
ne m'ont pas seulement parlé du port mais aussi d'une zone franche
qu'ils veulent développer dans la région de Martinique et de
Guadeloupe, mais je ne sais rien de plus de cette visite.
À 11:24
Juan
Carlos Croston, président
de la Camara Maritima [Chambre Maritime, en français], un organisme
privé qui rassemble l'ensemble des acteurs maritimes de Panama,
également vice-président du marketing pour le Terminal
Interantional de Manzanillo le MIT. Il revient juste de Marseille où
il a rencontré Laurent Martens, l'ancien directeur du port de
Guadeloupe, un des principaux acteurs du projet d'extension du Port
[de Pointe-à-Pitre] et il vient tout juste d'être embauché par la
CMA-CGM.
A notre demande JCC
fait le point sur l'ensemble des ports en eaux profondes qui font du
transbordement dans la Caraïbe.
JCC- Il y aura 4
ou 5 ports importants dans la Caraïbe. Il y a les Bahamas [dont
le port est Freeport], Kingston [le
port de la Jamaïque] et Caucedo pour la république
Dominicaine, dans le nord de la Caraïbe, qui sont ceux qui auront le
plus d'incidence sur des îles comme Guadeloupe et Martinique, étant
donné la distance. Dans le sud de la Caraïbe, il y a Puerto of
Espana de Trinidad et Tobago, Carthagene en Colombie, nous-autres
[Colon au Panama], un
port au Costa Rica et un de plus à Cuba, ils ont fait un
développement portuaire de 800 million US$ avec des capitaux
brésiliens et un opérateurs de Singapour, eux aussi, ils ont
beaucoup de possibilités pour desservir les petites îles. Dans la
Caraïbe, malheureusement, comme par exemple, Martinique et
Guadeloupe, ces îles n'ont pas la population suffisante pour
justifier un port ayant la capacité d'attirer directement les grands
bateaux.
CM- Est-ce que
vous êtes au courant qu'il y a des projets d'agrandissement des
ports de Guadeloupe et de Martinique ?
JCC- Oui, nous
avons suivi de très près le projet [d'extension] de Guadeloupe.
Cela fait quelques années que la Guadeloupe étudie comment agrandir
son port pour pouvoir accueillir plus de marchandises et même, ils
ont étudié si le port avait la possibilité de se convertir en un
site de transbordement de marchandises similaire à ces ports dont on
a parlé juste avant.
Malheureusement,
ce qui les dessert, c'est l'économie d'échelle parce que le
transbordement est un trafic très volatil, car le transbordement
peut se faire de n'importe où. Seule compte la destination finale
qui est la même. Par exemple, si la marchandise va à la Jamaïque,
elle pourra être transbordée à Caucedo, au Panama, au Costa Rica,
en Colombie ou potentiellement en Guadeloupe. Donc, il faut être
concurrent au niveau des services ou des coûts, sinon, on ne dépend
que du marché local. Par exemple, la Colombie a 40 millions de
consommateurs. Ainsi, les navires arrivent en Colombie pour décharger
la marchandise. Donc, ce que fait la Colombie, c'est de proposer aux
navires de faire également du transbordement. Les petites îles ou
pays à faibles populations n'ont pas le luxe d'utiliser ce levier
pour attirer les bateaux. Et ils sont en concurrence directement en
ce qui concerne le transbordement qui est très volatil et dont les
tarifs sont très bas, c'est ce à quoi est confronté la Guadeloupe.
À 14:40
Michèle LABRUT,
journaliste spécialisée dans les questions maritimes,
correspondante pour The Economist, ABC News, The
Times, Sea Trade
ou Fairplay,
elle vit depuis une trentaine d'années à Panama et connaît
les projets d'agrandissement du port de la Martinique et de la
Guadeloupe.
ML- « Ils
[le port de Pointe-à-Pitre]
ont déjà fait un appel d'offres, la CMA-CGM s'est présentée et
ils n'ont pas poursuivi cet appel d'offres parce que je crois qu'ils
voulaient avoir plusieurs autres compagnies maritimes ou compagnies
portuaires qui répondent à l'appel d'offres. Ça paraît bien
difficile, non ? Je vois pas tellement l'intérêt d'une compagnie
comme APM Terminal, la filière portuaire de Maersk, DPWorld, SSA
Marine ou encore ICTSI à s'intéresser à un sujet comme
ça...Je ne vois pas de gros bateaux venir faire du transbordement en
Martinique et Guadeloupe, qui est quand même très...très loin dans
la ligne des îles des Antilles, non ?
CM - Alors
comment faire pour augmenter la concurrence et, à terme, faire
baisser les prix?
ML - (Soupir) Je
crois que ça va être très difficile...
CM - Ca veut
dire que la Guadeloupe et la Martinique ne pourraient pas être autre
chose que des ports de feederisation ?
ML - Le
feederisation, venant du mot feeder, ç'est-à-dire des petits
bâteaux de 1000-2000 TU [EVP] qui font du transbordement sur les
îles...Ça me paraît difficile qu'il y ait des bâteaux qui ne
soient pas des feeders qui viennent en Martinique-Guaeloupe, ça peut
être un hub de feeders, oui, mais définitivement pas un hub de
Panamax et de post Panamax.
À 16:50
Carlos
Urriola, Président du Manzanillo International Terminal ou
MIT(2000 000 EVP/an) longtemps président de la Caribbean Shipping
Association ou CSA (c'est lui qui y a fait entrer la Martinique et la
Guadeloupe), vice-président de CARRIX, une multinationale qui a
investi dans le MIT, une dizaine de ports en Amérique Latine et une
cinquantaine aux Etats-Unis.
CM - C'est
l'occasion de lui demander si CARRIX est intéressé par les projets
d'agrandissement des ports antillais.
CU - Je suis très
au courant, car je suis allé en Martinique et en Guadeloupe pour
voir si le port de Pointe-à-Pitre pouvait devenir un hub de
transbordement...
CM - Et que
pensez-vous à ce sujet ?
CU - La plus
grosse difficulté, ce sont les volumes et les coûts, on ne peut
jamais dire non à un business car les choses peuvent changer, les
tarifs du transbordement sont très bas et nous devons faire
attention car il y a beaucoup de compétition. Vous devez être sur
qu'il n'y aura pas de grève, que le personnel travaillera tous les
jours, qu'il n'y aura pas de carnaval, pas de Noël et pas de nouvel
An. Et avec tous ça, il faut que vos coûts soient plus bas que ceux
de vos concurrents...
CM - Pour
l'instant, les ports de Guadeloupe et Martinique font environ 150 000
à 250 000 EVP.
CU - Pour qu'un
hub réussisse, il faut qu'il fasse 1 million d'EVP au moins ! Un centre de
transbordement étant donné la façon dont ça marche, vous devez
faire beaucoup de cargos! Car les prix sont très bas. Tout est là!
Or la quantité de cargos en Guadeloupe et Martinique est très
petite...
CM- Et il y a
deux projets, l'un en Guadeloupe et l'un en Martinique, que
pensez-vous de cela ?
CU- Non, je pense
qu'étant donné la proximité des deux îles, ils doivent décider
où le mettre. Tous les ports ne peuvent pas devenir un centre de
transbordement, il n'y a pas assez de volume pour tout le monde. Vous
devriez essayer de devenir une niche. Le problème, c'est que tout le
monde veut devenir un centre de transbordement, ça fait bien, c'est
à la mode. Or vous n'avez pas besoin de devenir un port de
transbordement pour réussir, c'est ce que je leur recommanderais.
Qu'est-ce que vous avez vraiment et que nous n'avons pas ? Mais
n'essayez pas de nous rivaliser si vous n'avez pas ce qu'on a. Je
crois que c'est ça le message.
CM - Pour
l'instant, ils [Port de
Pointe-à-Pitre] ont 11 m de tirant d'eau, ils
veulent 14 m, pensez-vous que c'est justifié ?
CU -
[...] Les bateaux vont seulement là où il y a beaucoup de
cargos de marchandises. Aujourd'hui, on fait 2 millions de TU
[EVP]. On a 14m de tirant d'eau et on peut prendre en
charge tous les bateaux. On aura 16,5m quand les écluses ouvriront
car nous, nous sommes sur les routes maritimes, ça c'est quelque
chose qu'ils [les autorités
guadeloupéennes] devraient peut-être réévaluer.
CM -
Peut-être que ce projet est fait pour attirer plus de sociétés de
transport maritimes, parce que pour l'instant il n'y a que la
CMA-CGM, Peut-être que c'est pour avoir plus de compétitions et les
prix seront plus bas ?
CU -
Je comprends, mais est-ce qu'ils ont le nom des autres sociétés ?
CM
- Peut-être que tout ça ce n'est fait que pour la CMA-CGM, comme
ça, ils auront un nouveau port juste pour eux ?
CU -
Oui, peut-être...Peut-être qu'au lieu d'essayer d'attirer d'autres
sociétés, il vaudrait mieux essayer de renforcer ses liens avec la
CMA-CGM... En fait, ce que j'essaie de vous dire, c'est que c'est
très difficile car vous n'avez pas la localisation, vos coûts sont
un peu haut, vous n'avez pas le cargos, étant donné que vous avez
une petite population. Donc, comment justifier la construction d'un
centre de transbordement ?
CM-
Et non, pas un, mais deux ?
Selon
moi, deux c'est de la folie ! Ça n'a aucun sens ! Vous savez, vous
devez faire attention, car il y a plein de ports vides dans la région !
Suite à la lecture et analyse de ce que pensent ou disent les experts à propos des activités portuaires et maritimes du bassin Caribéen et des Amériques.Je pense très honnêtement que nos décideurs politiques,économiques ayant décidés en toute conscience de l'extension du port sont de véritables irresponsables vénaux à la solde du colonialisme capitaliste avec ses relais békés en Martinique. JOMO
RépondreSupprimerSuite à la lecture et analyse de ce que pensent ou disent les experts à propos des activités portuaires et maritimes du bassin Caribéen et des Amériques.Je pense très honnêtement que nos décideurs politiques,économiques ayant décidés en toute conscience de l'extension du port sont de véritables irresponsables vénaux à la solde du colonialisme capitaliste avec ses relais békés en Martinique. JOMO
RépondreSupprimerNous tenons à souligner le service exceptionnel que nous avons reçu tout au long du processus de refinancement. Le professionnalisme de M. Lee et sa connaissance de la société de prêt étaient impressionnants et vraiment appréciés. M. Lee est un agent de crédit fiable. Dans le passé, nous avons eu de l'expérience avec plusieurs autres banques et avons trouvé le processus frustrant et fastidieux. M. Lee a fait des pieds et des mains pour s'assurer que tous nos besoins étaient satisfaits et que tout était géré de manière approfondie et efficace. Nous l'avons recommandé et continuerons de le recommander à l'avenir. »M. Lee Contact Email 247officedept@gmail.com Whatsapp + 1-989-394-3740
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